Digital check: La force des points de vues externes


Et s’il était possible d’avoir un regard d’expert sur la digitalisation dans votre entreprise, saisiriez-vous l’opportunité ? C’est ce qu’ont fait Zbinden Posieux SA et Variotechnik SA. Les directeurs racontent leurs expériences respectives avec le Digital Check, cet outil mis en place en 2019 par la Haute école de gestion Fribourg et l’Union Patronale du Canton de Fribourg.

Il y avait un manque dans le domaine de la digitalisation. Face à ce constat, FriDigital a été créé par la Haute école de Gestion Fribourg et de l’Union Patronale du Canton de Fribourg. Ce programme comporte un outil : le Digital Check (lire ci-contre). Une aubaine pour Ralph Tschümperlin, directeur de Variotechnik SA, entreprise employant une vingtaine de personnes, basée à Schmitten et active dans les domaines de l’étanchéité et de l’isolation thermique des bâtiments principalement avec des toitures plates. « J’ai fait différentes formations, je me suis toujours intéressé à la digitalisation notamment dans le domaine du marketing », explique le directeur. A la fin 2020, il se décide à procéder au Digital Check. « C’est important pour moi d’avoir un regard externe afin de me remettre en question et envisager l’avenir », explique-t-il. Le processus étant en cours, aucune conclusion n’a encore pu être tiré.

Malgré cela, Variotechnik SA utilise déjà le marketing et la communication digitale. Et, dans un futur proche, Ralph Tschümperlin entend modifier certains processus internes en implémentant de nouveaux logiciels administratifs, pour les offres, la comptabilité, la gestion des chantiers et des heures ou encore la numérisation des documents. « Je ne veux pas changer directement tous les programmes en une fois, déclare le directeur. Pas à pas les différents modules sont installés puis, nous ferons le lien. » En effet, un ERP (logiciel de gestion) pourrait être intégrer à l’avenir. « Je me méfie encore un peu, admet le directeur. J’aime encore travailler avec certaines sécurités. Actuellement, chaque système est indépendant, ce qui permet de détecter une éventuelle erreur et de la corriger rapidement.  En cas de problème, chaque programme continue de fonctionner de manière autonome et nous ne sommes pas bloqués » Cela, même s’il est conscient que certaines données sont traitées à plusieurs reprises. Avec ce processus de digitalisation Ralph Tschümperlin espère gagner en efficacité et entend se créer de nouvelles opportunités de marché afin de rester concurrentiel.

Tout ce processus, le directeur de Variotechnik SA le fait en collaboration avec son personnel. « Les collaborateurs sont intégrés dans les projets et je prends en compte leurs idées, nous avons de bons résultats en travaillant comme cela », explique-t-il. Cependant, la digitalisation rencontre des limites pour l’entreprise qui travaille sur des chantiers. « Certains processus restent non digitalisés car ils fonctionnent et certains ouvriers ne sont pas forcément à l’aise avec l’informatique, note le directeur. Au fil du temps cela évoluera. »

Avancer ou mourir

Cette histoire raisonne avec celle de Zbinden Posieux SA, entreprise active dans la conception, l’élaboration et la fabrication de véhicules, carrosseries et remorques et qui emploie une centaine de personnes entre son site de Posieux et celui dans le canton d’Obwald. Benoît Zbinden, directeur technique, a décidé de procéder au Digital Check en 2019. « C’était important pour moi d’avoir le regard de personnes externes et à la pointe dans le domaine de la digitalisation, explique-t-il. C’était l’occasion de remettre en cause nos processus internes. » L’analyse s’est portée essentiellement sur l’administration de l’entreprise. « C’était mon souhait car dans chaque PME ce département tend à gonfler alors qu’il ne rapporte pas d’argent », détaille Benoît Zbinden. Des solutions ont été proposées grâce au Digital Check, mais elles ont été mises en pause avec l’arrivée du coronavirus. En effet, la production de Zbinden Posieux SA a tourné à plein régime en 2020, mais une réorganisation du travail a dû être opérée et des plans de protection strictes ont dû être mis en place.

Malgré cette parenthèse, l’entreprise entend reprendre sa digitalisation prochainement en changeant son ERP. « Ce nouveau logiciel nous permettra de numériser les processus administratifs puis certains dans la production », détaille le directeur technique qui se réjouit d’avoir trouvé le bon outil correspondant à une PME suisse de production. Une solution accueillie, selon lui, avec enthousiasme par le personnel. « Ils sont contents car la digitalisation les soulage de tâches répétitives dans lesquelles ils ne sont pas valorisés », note Benoît Zbinden qui ajoute qu’un robot de soudage a déjà été intégré dans la production et l’équipe se réjouit de son installation.

Les deux chefs d’entreprise reconnaissent l’investissement important que représente la digitalisation, que ce soit en termes d’argent ou de temps. « Ce n’est pas un projet réglé en 3 mois », souligne Benoît Zbinden qui ajoute : « Ce logiciel que nous allons installer fait partie de la nouvelle génération. C’est une solution vivante qui évoluera au fil du temps avec nos idées et celles de notre partenaire qui développe le logiciel. » Avec cela en tête, il se dit conscient de l’implication nécessaire à l’avenir.

Ces investissements n’effraient pas non plus Ralph Tschümperlin. « Ils sont nécessaires et indispensables, affirme-t-il. En tant qu’entreprise, nous devons avancer sinon nous risquons de mourir. » Benoît Zbinden acquiesce : « La concurrence suisse ou étrangère n’attend pas, c’est pourquoi nous n’avons pas le choix d’évoluer même si c’est hyper difficile pour nous autres PME. »

Digital Check : un outil au profit des entreprises

Concrètement, les auteurs d’un Digital Check procèdent à des entretiens auprès du directeur d’une entreprise ainsi qu’auprès des collaborateurs. « Nous récoltons des feedbacks qui nous permettent de définir des priorités et de faire des propositions concrètes en fonction de la situation de l’entreprise », explique Jean-Marie Ayer, responsable du Digital Check pour la Haute école de gestion Fribourg (HEG). Avant la crise du coronavirus, une dizaine d’entreprises avait fait appel à cet outil. «Elles se sont montrées curieuses, mais nous savons aussi qu’elles hésitent parfois à procéder aux changements en fonction de nos conclusions », indique le responsable qui souligne la problématique du coût de la digitalisation et du manque de compétences au sein des entreprises. Afin de pallier ce dernier point, la HEG entend mettre sur pied pour la rentrée de septembre un Certificate of Advanced Studies (CAS) en transformation digitale, dont le but est de former des personnes capables de gérer les aspects techniques, commerciaux et humains de la digitalisation. « La numérisation des entreprises est transversale et peut remettre en cause tout le fonctionnement de l’entreprise, il est donc fondamental qu’elle soit acceptée par le personnel », souligne Jean-Marie Ayer.

Les demandes pour le Digital Check se sont arrêtées pendant la crise du coronavirus, alors qu’elle a été un déclic de digitalisation pour plusieurs structures. Jean-Marie Ayer de nuancer : « Les entreprises ont dû répondre à des urgences comme la mise en place du télétravail, ce qui a mobilisé beaucoup de leurs ressources, mais elles devront répondre à de nombreuses questions en la matière dans l’après-covid, c’est certain. »

Le Digital Check peut être effectué dans toutes les structures peu importe la taille ou le secteur. Mais est-ce que tout est numérisable ? « Techniquement oui », répond Jean-Marie Ayer du tac au tac avant d’ajouter : « Humainement et économiquement il y a des barrières, notamment culturelles à sa réalisation. » Il poursuit : « La numérisation n’est pas toujours souhaitable et elle n’est parfois pas la meilleure solution. »